Pour sourire : le dictionnaire des idées reçues de Flaubert

Le Dictionnaire des idées reçues de Flaubert a été publié en 1913, à titre posthume. Il s’agit d’un ouvrage qui prête souvent à sourire et qui peut se lire, de temps en temps, lettre par lettre… L’oeuvre de Flaubert étant tombée dans le domaine public, vous pourrez la trouver en ligne comme ici ou ici.
Pour vous faire partager l’humour de Flaubert, voici la lettre A :

« ABÉLARD. Inutile d’avoir la moindre idée de sa philosophie, ni même de connaître le titre de ses ouvrages. – Faire une allusion discrète à la mutilation opérée sur lui par Fulbert. – Tombeau d’Éloïse et d’Abélard ; si l’on vous prouve qu’il est faux, s’écrier. « Vous m’ôtez mes illusions. »
ABRICOTS. Nous n’en aurons pas encore cette année.
[ABSALON. S’il eût porté perruque, Joab n’aurait pu le tuer. Nom facétieux à donner à un ami chauve.]
ABSINTHE. Poison extra-violent [: un verre et vous êtes mort. Les journalistes en boivent pendant qu’ils écrivent leurs articles.] – A tué plus de soldats que les Bédouins.
ACADÉMIE FRANÇAISE. La dénigrer, mais tâcher d’en faire partie si on peut.
[ACCIDENT. Toujours « déplorable » ou « fâcheux » ; comme si on devait jamais trouver un malheur une chose réjouissante.]
[ACCOUCHEMENT. Mot à éviter ; le remplacer par événement. « Pour quelle époque attendez-vous l’événement ? »]
[ACHILLE. Ajouter « aux pieds légers » ; cela donne à croire qu’on a lu Homère.]
ACTRICES. La perte des fils de famille. – Sont d’une lubricité effrayante, se livrent à des orgies, avalent des millions (finissent à l’hôpital). – Pardon ! il y en a qui sont bonnes mères de famille !
[ADIEUX. Mettre des larmes dans sa voix en parlant des Adieux de Fontainebleau.]
[ADOLESCENT. Ne jamais commencer un discours de distribution des prix autrement que par « Jeunes adolescents », ce qui est un pléonasme.]
AFFAIRES (LES). Passent avant tout. – Une femme doit éviter de parler des siennes. Sont dans la vie ce qu’il y a de plus important. – Tout est là.
[AGENT. Terme lubrique.]
AGRICULTURE. [Une des mamelles de l’État (l’État est du genre masculin, mais ça ne fait rien). On devrait l’encourager.] Manque de bras.
[AIL. Tue les vers intestinaux et dispose aux combats de l’amour. On en frotta les lèvres de Henri IV au moment où il vint au monde.]
AIRAIN. Métal de l’antiquité. [les injures s’écrivent dessous.]
AIR. Toujours se méfier des courants d’air. – Invariablement le fond de l’air est en contradiction avec la température : si elle est chaude, il est froid, et l’inverse.
ALBÂTRE. Sert à décrire les plus belles parties du corps de la femme.
[ALBION. Toujours précédé de blanche, perfide, positive. Il s’en est fallu de bien peu que Napoléon en fît la conquête. En faire l’éloge : la libre Angleterre.]
[ALCIBIADE. Célèbre par la queue de son chien. Type de débauché. Fréquentait Aspasie.]
ALCOOLISME. Cause de toutes les maladies modernes [(v. ABSINTHE et TABAC)].
[ALLEMAGNE. Toujours précédé de « blonde », « rêveuse ». Mais quelle organisation militaire !]
ALLEMANDS. Peuple de rêveurs (vieux). [Ce n’est pas étonnant qu’ils nous aient battus, nous n’étions pas prêts !]
[ALOÈS. Coup de canon.]
[AMBITIEUX. En province, tout homme qui fait parler de lui. « Je ne suis pas ambitieux, moi ! » veut dire égoïste ou incapable.]
[AMBITION. Toujours précédé de « folle » quand elle n’est pas « noble ».]
AMÉRIQUE. Bel exemple d’injustice : c’est Colomb qui la découvrit et elle tire son nom d’Améric Vespucci. [Sans la découverte de l’Amérique, nous n’aurions pas la syphilis et le phylloxéra. L’exalter quand même, surtout quand on n’y a pas été.] – Faire une tirade sur le self-government.
[AMIRAL. Toujours brave. Ne jure que par « mille sabords ! »]
[ANDROCLÈS. Citer le lion d’Androclès à propos de dompteurs.]
ANGE. Fait bien en amour et en littérature.
ANGLAIS. Tous riches.
ANGLAISES. S’étonner de ce qu’elles ont de jolis enfants. [Les vieilles Anglaises sont toujours laides.]
[ANTÉCHRIST. Voltaire, Renan…]
ANTIQUITÉ. Et tout ce qui se (sic) rapporte, poncif, embêtant.
ANTIQUITÉS (LES). Sont toujours de fabrication moderne.
[APLOMB. Toujours suivi de « infernal » ou précédé de « rude ».]
APPARTEMENT DE GARÇON. Toujours en désordre. – Avec des colifichets de femme traînant ça et là. – Odeur de cigarettes. – On doit y trouver des choses extraordinaires.
[APPÉTIT. Ce qui le donne.]
[ARBALÈTE. Belle occasion pour raconter l’histoire de Guillaume Tell.]
ARCHIMÈDE. Dire à son nom : « Euréka ! ». – « Donnez-moi un point d’appui et je soulèverai le monde. » – Il y a encore la vis d’Archimède ; mais on n’est pas tenu de savoir en quoi elle consiste.
ARCHITECTES. Tous imbéciles. Oublient toujours l’escalier des maisons.
ARCHITECTURE. Il n’y a que quatre ordres d’architecture. – Bien entendu qu’on ne compte pas l’égyptien, le cyclopéen, l’assyrien, l’indien, le chinois, gothique, roman, etc.
ARGENT. Cause de tout le mal. – Dire : Auri sacra fames. [Le dieu du jour (ne pas confondre avec Apollon). Les ministres le nomment traitement, les notaires : émoluments, les médecins : honoraires, les employés : appointements, les ouvriers : salaires, les domestiques : gages. L’argent ne fait pas le bonheur.]
[ARMÉE. Le rempart de la Société.]
ARSENIC. Se trouve partout. Rappeler Mme Lafarge ( ?). – Cependant, il y a des peuples qui en mangent.
[ART. Ça mène à l’hôpital. À quoi ça sert, puisqu’on le remplace par la mécanique qui fait mieux et plus promptement. Beaux-arts, arts industriels.]
ARTISTES. Tous farceurs. – Vanter leur désintéressement (vieux). – S’étonner de ce qu’ils sont habillés comme tout le monde (vieux). – Gagnent des sommes folles, mais les jettent par les fenêtres. – Souvent invités à dîner en ville. – Femme artiste ne peut être qu’une catin. [Ce qu’ils font ne peut s’appeler travailler.]
ARTS. Sont bien inutiles, puisqu’on les remplace par des machines, qui fabriquent même plus promptement.
ASPIC. Animal connu par le panier de figues de Cléopâtre.
[ASSASSIN. Toujours « lâche », même quand il a été intrépide et audacieux. Moins coupable qu’un incendiaire.]
ASTRONOMIE. Belle science. – Très utile pour (n’est utile que pour) la marine. – Et, à ce propos, rire de l’astrologie.
ATHÉE. Un peuple d’athées ne saurait subsister.
AUTEUR. On doit « connaître des auteurs » ; inutile de savoir leur nom. [Mots d’auteurs. Manière dont il vivent.]
AUTRUCHE. Digère les pierres.
AVOCATS. Trop d’avocats à la Chambre. – Ont le jugement faussé [à force de plaider le pour et le contre]. – Dire d’un avocat qui parle mal : « Oui, mais il est fort en droit. » « 
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Une réponse à Pour sourire : le dictionnaire des idées reçues de Flaubert

  1. Nag dit :

    keisha a dit… Aïe, difficile de ne pas tomber dans le piège des idées reçues avec un commentaire ! Après Bouvard et Pécuchet, j’ai lu ces idées reçues fort réjouissantes. J’espère qu’elles auront de plus en plus de lecteurs ! 17 décembre 2008 20:32

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