Mémoires, Beate et Serge Klarsfeld

Les Klarsfeld, je les connaissais comme tout le monde – enfin surtout lui – pour leur traque des nazis et les procès retentissants des années 1990 (je pense à Papon et à Barbie). Mais en fait j’étais bien loin de connaître leur combat et notamment l’histoire de ce couple: une jeune allemande et un jeune juif fils de déporté. J’ai avalé en moins d’1 mois ces presque 700 pages qui m’ont passionné!!!

C’est dans le métro parisien que Beate, une jeune fille au pair allemande qui a fuit une famille froide et conservatrice, rencontre Serge, un étudiant en sciences politiques, juif et fils de déporté. Leur histoire sera l’histoire d’amour d’une vie mais aussi d’un combat qu’ils vont partager ensemble, sans relâche. C’est Serge qui va initié Beate à l’histoire de l’Allemagne nazie qu’elle ne connaît pas. Et leur combat commun va commencer par des actions chocs menées par Beate qui souhaite dénoncer la présence d’anciens criminels nazis dans la vie politique et administrative de l’Allemagne de l’Ouest. Serge va la soutenir de son côté et effectuer un travail de documentaliste et d’historien, dans les différentes archives afin de pouvoir justifier les crimes de ces hommes qui se sont ensuite bien insérés dans la société ouest allemande. Il va partir à la recherche de documents irréfutables, des comptes rendus de réunions ou de discussion, des rapports, des documents signés de la main de ces personnages afin de parvenir à leur retrait de la vie politique et administrative. Leur combat va commencer par le chancelier Kiesinger.

Les Klarsfeld vont continuer leur militantisme, en abandonnant même leurs activités professionnelles, en emmenant partout leur fils Arno (baptisé par la presse allemande « le plus petit homme politique d’Allemagne »), avec le soutien logistique et financier de leurs proches mais également leur intelligence pour faire valoir leur cause et financer leurs actions.

Le couple va ensuite s’intéresser aux nazis partis se réfugier en Amérique latine ou au Moyen-Orient. Ils vont à nouveau se lancer dans des actions chocs, risquées dans des pays dominés par des dictatures militaires. Leur intelligence a été je pense de politiser  et médiatiser très vite leurs actions, de jouer avec les agences de presse et les médias… échappant ainsi à la prison au profit d’une reconduite à la frontière manu militari. Ils ne vont rien lâcher et mettront 15 à 20 ans pour obtenir l’extradition de Klaus Barbie puis son jugement à Lyon.

Enfin, en parallèle, les Klarsfeld, et en particulier Serge qui, en plus de continuer son travail de documentaliste va également passer le barreau, s’intéressent aux criminels français de la Collaboration. J’aime leur mesure. Ils s’intéressent d’abord aux gros poissons, aux principaux décideurs et descendent peu à peu la chaîne hiérarchique et de responsabilité. Il n’est pas question de faire porter le chapeau à des individus embarqués dans le régime nazi ou la Collaboration par force ou par survie. Leur objectif est de faire juger les criminels pour les crimes qu’ils ont commis de manière graduée correspondant à leur degré d’implication et de responsabilité. C’est ainsi qu’Arno, plaidant dans le procès Papon, demandera une peine de 10 ans de prison ferme, contrairement à d’autres parties civiles réclamant la perpétuité, au motif que Papon était un responsable qui avait pris des décisions criminelles mais qu’il n’était pas à mettre sur le même plan qu’un Klaus Barbie ou qu’un Touvier. La famille Klarsfeld a mené son action dans une recherche de justice et non de violence.

Si la première partie des mémoires est consacrée à l’action impressionnante de Beate en Allemagne principalement, la seconde partie se concentre sur la traque des nazis et l’action de Serge pour faire reconnaître la Shoah et la situation des Juifs fils et filles de déportés. Il va ainsi s’engager pour leur obtenir une indemnisation par exemple, mais également sur un plan plus symbolique faire pression sur les présidents français jusqu’à ce que Jacques Chirac reconnaisse en 1995 la responsabilité de l’Etat français dans la déportation des Juifs français et étrangers.

J’ai honnêtement été estomaquée par leur combat qui est clairement devenu une obsession, faisant montre d’une grande humanité, d’un sens de la justice aigu, de la mission d’une vie qu’ils se sont attribués et que sans eux sans doute personne n’aurait mené. J’ai aimé la tendresse et l’admiration l’un pour l’autre qui ressortent de leurs témoignages respectifs. Chacun raconte sa part du chemin, chapitre après chapitre, l’un après l’autre peignant également l’envers du décors. J’ai aimé aussi la cohésion familiale des Klarsfeld, le soutien de la maman de Serge, leur amour pour leurs deux enfants Arno et Lina et enfin leur admiration pour Arno devenu un avocat brillant fortement investi comme ses parents dans ce combat contre les nazis.

La lecture est parfois ardue, surtout au début. Je n’avais aucune connaissance du contexte de l’Allemagne de l’époque ni des personnages évoqués dans cette partie de ces mémoires. Mais j’ai tenu bon, impressionnée par l’action des Klarsfeld et par le culot de Beate. Quelle femme! La seconde partie était pour moi plus accessible puisque je connaissais davantage l’histoire de l’Occupation allemande et de la Collaboration. Mais j’ai appris beaucoup de choses et cela m’a passionnée!

Je vous invite à dévorer ce pavé si l’histoire des Klarsfeld mais aussi la chasse des nazis vous intéresse! Ne soyez pas découragés par le nombre de pages, ces mémoires vous entraîne dans des enquêtes entremêlées, passionnantes, qui retracent la vie de ce couple et de cette famille incomparable qui a fait tellement pour la mémoire collective.

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2 réponses à Mémoires, Beate et Serge Klarsfeld

  1. Coucou,
    j’avais prévue de l’acheter le mois prochain. Pensant que le sujet serait passionnant, ton article ne fait que confirmer.
    merci, bizzz et bon dimanche

    • Nag dit :

      J’achète rarement les livres à leur sortie, j’attends toujours le poche. Mais là j’ai vraiment apprécié ces mémoires même si c’est un peu ardu et politique, c’est néanmoins bien raconté et j’ai été complètement fascinée par le couple Klarsfeld, leur courage et leurs convictions. Donc tu peux y aller si les pavés ne te font pas peur!

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